Prendre l'humour au sérieux : une étude des controverses dans le stand-up états-unien de 1960 à 2017

Dufort, Julie (2018). « Prendre l'humour au sérieux : une étude des controverses dans le stand-up états-unien de 1960 à 2017 » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en science politique.

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Résumé

Même si l'humour devient un objet d'étude de plus en plus répandu dans les sciences sociales, il n'est que très rarement analysé sous l'angle du rejet et de la controverse. Cette thèse vise à étudier les controverses sur l'humour dans le contexte des États-Unis en les comprenant comme des « moments effervescents » aux limites entre les jeux de langage de l'humour et du politique. Nous soutenons qu'elles sont pour la société un prétexte pour prendre l'humour au sérieux. Dans le cadre de ces dernières, le politique surgit de deux manières : dans son contenu et ses effets. D'une part, par un geste qui semble anodin, l'humour permet d'exprimer des idées politiques. D'autre part, argumenter à propos de ce qui est acceptable en humour est une façon d'agir sur le politique. L'étude de ces phénomènes rend ainsi visibles des désaccords collectifs profonds, qui permettent de saisir le politique à un moment précis de l'histoire, c'est-à-dire [1] de connaître les sujets d'intérêt public de l'heure; [2] d'observer leur traitement dissimulé dans un texte humoristique; [3] de comprendre la manière dont le public commente les enjeux sociopolitiques en tentant de délimiter ce qui est matière à rire et ce qui ne l'est pas; et [4] de constater au fil du temps l'évolution de ces climats politiques en lien avec les controverses sur l'humour. Afin de soutenir cette thèse, nous appréhendons l'humour et le politique comme des jeux de langage et avons développé un cadre théorique pour analyser les trois phases d'une controverse : la transgression, les réactions et l'après-coup. La première partie trouve son inspiration dans les écrits de Ludwig Wittgenstein (1986 [1961]) et nous permet de définir les règles qui régissent les jeux de langage de l'humour et du politique. La deuxième partie s'inspire du modèle élaboré par Nathalie Heinich (1997; 1998; 2010; 2014) pour étudier les controverses dans le milieu de l'art contemporain et expose notre analyse empirique des limites entre ces jeux de langage. Pour opérationnaliser ce cadre théorique, nous avons retenu trois études de cas tirés de la tradition du stand-up aux États-Unis entre 1960 à 2017, soit des débuts du stand-up jusqu'à aujourd'hui. La première s'est développée autour de la réappropriation du n-word par Richard Pryor (1967-2017); la seconde est provoquée par des blagues de Bill Hicks (1993-2017) ciblant la position conservatrice sur les enjeux des guerres culturelles; et la dernière s'est déclenchée avec l'usage du r-word par Sarah Silverman (2010-2017) et les enjeux liés au capacitisme qu'elle a soulevés. Nous adoptons une approche historique interprétative en observant en profondeur l'interaction entre un grand nombre de facteurs, rendant ainsi justice à la complexité des controverses sur l'humour. Par une analyse holiste, chaque étude de cas est conduite de manière à illustrer le fonctionnement des controverses. Nous étudions les éléments textuels inclus dans les blagues qui ébranlent les conventions sociales et morales (analyse textuelle); les contextes personnels, sociopolitiques et de réception où la controverse sur l'humour émerge (analyse contextuelle); le processus par lequel la blague devient controversée et les réactions qu'elle suscite dans la sphère publique (analyse de réception); et la réinterprétation de cette controverse avec le temps (analyse de recodage). En bâtissant des ponts entre la science politique, les Études sur l'humour (Humor Studies) et la sociologie de l'art, cette recherche contribue à défaire l'étiquette du « manque de sérieux » souvent attribuée à l'étude de l'humour. Elle met en valeur l'analyse des discours humoristiques et populaires en science politique en approfondissant de manière empirique les processus entourant les controverses et en démontrant comment le politique se présente dans des endroits aussi banals que les salles de spectacle de stand-up. En étudiant la controverse dans ses tendances et particularités, nous plaçons le politique au cœur de notre thèse, c'est-à-dire autant dans les discours des humoristes, dans le climat social que dans les réactions de rejet. Parce que les controverses sont des « moments effervescents » qui pointent l'exceptionnel, elles permettent d'accéder et de raconter autrement l'histoire sociopolitique des États-Unis. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : humour, humour politique, satire, rire, controverses, jeux de langage, États-Unis, stand-up, mouvement pour les droits civiques, guerres culturelles, racisme, capacitisme, Études sur l'humour, Ludwig Wittgenstein, Nathalie Heinich, Richard Pryor, Bill Hicks, Sarah Silverman

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur.
Directeur de thèse: Gagnon, Frédérick
Mots-clés ou Sujets: Humour -- Aspect politique / Satire politique / Polémique / Mots d'esprit et jeux de mots / Monologue comique / États-Unis
Unité d'appartenance: Faculté de science politique et de droit > Département de science politique
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 12 nov. 2018 09:09
Dernière modification: 12 nov. 2018 09:09
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/11819

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