Le sujet du dehors : paysages sémantiques, corps de la nature, et physique de la parole chez Jacques Dupin et John Montague

Gagnon, Jean-Philippe (2015). « Le sujet du dehors : paysages sémantiques, corps de la nature, et physique de la parole chez Jacques Dupin et John Montague » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en études littéraires.

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Résumé

Dans ses Cahiers rédigés entre 1894 et 1914, Paul Valéry énonce une idée qui témoigne d'un bouleversement du statut de la subjectivité. Catégorique, le mot fait assister à la concrétisation d'un tournant épistémique et d'une nouvelle sensibilité : « L'homme est un animal enfermé à l'extérieur de sa cage. Il s'agite hors de soi. » Malgré l'effet d'évidence intempestive qu'elle tire de la netteté de sa formulation, chez ce précurseur des réflexions poétiques modernes sur le sensible, telle déclaration de l'incarnation et de la sortie de la conscience au monde a pour prémisses des découvertes faites par les romantiques et les symbolistes du siècle précédent, qui assistèrent à l'éclosion de l'idée poétique à la jonction des matérialités du corps, de l'univers et du langage. Si, par ailleurs, ses sources ont aussi couru de manière souterraine durant la modernité classique où s'opéra le partage hégémonique de l'esprit et du corps, de la nature et de la conscience, de l'esprit et de la lettre, la topologie du sujet énoncée par Valéry a été assumée dans toute sa portée chez les générations de poètes qui lui ont succédé. Depuis la fin des années cinquante, le Français Jacques Dupin (1927-2012) et l'Irlandais John Montague (1929-) comptent parmi ceux qui ont pris en charge de manière résolue et rigoureuse la subjectivité du dehors, comme un axiome au fondement des rapports inédits et insolites qu'ils tissent entre l'intériorité, le corps, le langage et les paysages. C'est cette transitivité nouvelle indiquant un déplacement de la conception de la nature, de la conscience et de la parole au sein des œuvres significatives de l'époque contemporaine que cette thèse élucide, en comparant deux sensibilités célébrées et formellement innovantes. Articulée autour de trois axes : les paysages sémantiques, le corps de la nature et la physique de la parole, cette recherche rend compte du rôle de médiation joué par l'épreuve charnelle du monde dans la redéfinition des statuts de la subjectivité poétique et de la nature, soumis respectivement à des processus d'extériorisation et d'intériorisation qui révèlent l'incarnation de la conscience et la dimension sémiotique du dehors esthésique. Tout en soulignant l'universalité de la reformulation du rapport ontologique liant le poète et le poème à la nature sensible, l'étude comparative permet d'en dégager certaines idiosyncrasies, propres à illustrer et à définir des manières singulières d'habiter le monde dont les œuvres sont l'expression. Cette convergence et ces différences sont appréciées jusqu'au cœur des enjeux formels de la revalorisation et de la réévaluation de l'expérience sensible que ce travail met en valeur, en montrant comment le corps des poèmes est le lieu d'un transfert entre la matérialité naturelle et l'état d'âme du poète par l'actualisant de l'interaction et de la porosité du corps du sujet et du corps du monde. Une densification, une opacification de la matière verbale et une initiative sémiotique conférée aux qualités sensibles de langages informés par les modalités illocutoires et physiques du discours sont ainsi analysées pour souligner les propriétés d'une parole naturelle qui se présente comme une chair au second degré, reconduisant la solidarité du sujet et des objets paysagers. Le dépassement des clivages entre le sens et le sensible, l'esprit et l'étendue, les ressources sémiotiques de l'univers et celles de la parole opéré du côté des formes poétiques permet de démontrer que « ce qu'il y a de plus profond chez l'homme, c'est [non seulement] la peau » comme l'a encore dit Valéry, mais, au même titre, et parce qu'elle est informée par les modalités de la vie perceptive, la texture de ce que Michel Collot nomme le poème de l'incarnation. Afin d'étudier comment celui-ci se déploie comme une expérience de l'être au monde menée par-delà intériorité et extériorité, la phénoménologie est convoquée puis relayée par des approches dont l'association est spécifiquement susceptible d'illustrer un décloisonnement analogue du sujet dans le régime linguistique de la parole. La poétique et la sémiotique s'allient à cette fin à l'acroamatique, intéressée par le rôle fondamental de l'écoute dans l'élaboration musicale de la poésie et du discours, pour donner à entendre une subjectivité vouée à son énonciation sauvage, pulsationnelle, au même titre qu'elle est ensauvagée par l'altérité de l'épreuve affective de la perception et des sensations. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Acroamatique, Dehors, Ensauvagement, Nature, Perception.

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur.
Directeur de thèse: Ouellet, Pierre
Mots-clés ou Sujets: Dupin, Jacques / Montague, John / Poésie / Nature / Parole / Incarnation / Perception (Philosophie)
Unité d'appartenance: Faculté des arts > Département d'études littéraires
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 05 avr. 2016 14:36
Dernière modification: 05 avr. 2016 14:36
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/8052

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