De l'ironie romantique au roman contemporain : l'esthétique réflexive comme philosophie dans la trilogie Soifs de Marie-Claire Blais

Roy, Nathalie (2007). « De l'ironie romantique au roman contemporain : l'esthétique réflexive comme philosophie dans la trilogie Soifs de Marie-Claire Blais » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en sémiologie.

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Résumé

La réflexion ayant mené à cette thèse s'est développée à partir d'un questionnement sur les traces d'un héritage romantique chez Marie-Claire Blais et de la conviction que, pour bien saisir ce qui est en jeu dans l'écriture récente de l'auteure, il importe de reconnaître que l'esthétique des oeuvres reflète une visée philosophique. La trilogie Soifs est envisagée comme une réactualisation du projet de Friedrich Schlegel, élaboré au sein du cercle d'Iéna à la fin du XVIIIe siècle, et dont la mise en oeuvre dépend d'une forme particulière d'ironie, que la postérité a nommée « romantique ». Née, dans le sillage de la philosophie kantienne, d'une conscience aiguë des limites de la subjectivité, cette ironie hérite du mouvement de la pensée et de la contre-pensée du dialogue socratique, qu'elle inscrit dans une épistémologie complexe et dans un projet collectif. En concevant la progression du savoir comme le dépassement de soi de la conscience limitée en direction d'un infini irreprésentable, Schlegel fait dépendre la connaissance d'une disponibilité du sujet à la pluralité des façons de connaître le monde et situe la vérité dans la multiplicité contradictoire et paradoxale des expériences qui n'accèdent tous qu'à des fragments de réel. Le pari de cette thèse est de montrer qu'une conception semblable de la conscience et de la connaissance informe l'esthétique de la trilogie Soifs, définit le mouvement de démultiplication des perspectives et des expériences souvent inconciliables et détermine la visée universalisante qui régit la forme d'une totalité toujours paradoxale. En somme, il s'agit de montrer que cette rencontre inattendue de pensées que deux siècles séparent permet de proposer des romans de la trilogie Soifs une lecture fascinante et inédite. Notre thèse est composée de deux parties qui comportent chacune deux chapitres. La première a pour objet de conceptualiser l'ironie romantique en tant que démarche épistémologique et d'étudier son lien intime avec la forme romanesque. Face aux lectures schématiques de la pensée de Schlegel, nous rétablissons l'ascendance philosophique de l'ironie grâce à la démonstration de la filiation socratique et du rapport de la pensée romantique avec celle des idéalistes allemands dans le contexte des débats de l'époque. Nous nous intéressons ensuite à la postérité de la philosophie schlégélienne dans la critique et dans la littérature, en engageant le dialogue avec Georg Lukács et sa Théorie du roman. Nous voyons ainsi que si ce dernier minimise la dimension épistémologique et pluraliste de l'ironie, Marie-Claire Blais et certains romanciers contemporains renouent avec cet aspect de la pensée romantique à partir d'une perspective actuelle. La seconde partie de la thèse vise à montrer qu'une attention portée aux mécanismes de l'ironie romantique tels qu'ils se développent dans la trilogie Soifs permet d'articuler en un portrait cohérent les stratégies narratives, les principes structurels, la réflexion qui oriente l'écriture et le rôle réservé au lecteur. Une étude des techniques narratives et formelles conduit, dans un premier temps, à l'hypothèse selon laquelle la paradoxale cohésion de l'univers romanesque résulte d'une sorte de mythologie dite « réflexive », qui apparaît comme la recherche de points de cristallisation d'un imaginaire partagé. À partir de cette hypothèse, nous explorons plus avant la philosophie que développe la trilogie au fil de l'écriture, en interrogeant le rapport à l'histoire et à la mémoire. Il est question de la reformulation insistante de la mémoire historique qui découle à la fois d'une inscription singulière de la figure du Juif Errant et de la représentation d'un temps de la « mémoire totale », lié à la symbolique de l'aube en tant que moment privilégié où la rédemption reste du domaine du possible. Nos analyses permettent de conclure que la mythologie réflexive semble motivée, comme la « nouvelle mythologie » que Schlegel appelait de ses voeux, par le rêve d'un nouveau « centre » ou d'un point solide d'appui pour la recherche de nouveaux savoirs, dans la visée d'une conscience universelle, ce qui signifie, ici, la pleine conscience et connaissance de soi de l'humanité. Dans la tension continue entre la pensée et la contre-pensée, la synthèse et la fragmentation, l'espoir de rédemption et le désespoir fataliste -dans l'ironie qui relance toujours la réflexion, en somme -résident les marques de l'appel à une recherche en commun de l'AIlwissenheit (littéralement: « omniscience ») ou d'un savoir « total », recherche à laquelle est toujours aussi convié le lecteur. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Ironie romantique, Premier romantisme allemand, Roman, Littérature et philosophie, Réflexivité, Histoire, Mémoire, Friedrich Schlegel, Marie-Claire Blais.

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur.
Directeur de thèse: Chassay, Jean-François
Mots-clés ou Sujets: Blais Marie Claire 1939-, Schlegel Friedrich von 1772-1829, Roman, Ironie, Romantisme, Esthétique, Philosophie, Littérature, Réflexivité
Unité d'appartenance: Faculté des sciences humaines > Département de philosophie
Faculté des arts > Département d'histoire de l'art
Faculté des arts > Département d'études littéraires
Faculté de communication
Déposé par: RB Service des bibliothèques
Date de dépôt: 05 août 2008
Dernière modification: 01 nov. 2014 02:05
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/893

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